PUDIBONDE THAÏLANDE...
LA THAÏLANDE, CULTURE DES PARADOXES ET DE L'HYPOCRISIE
L'érotisme est toléré dans la presse et au cinéma mais le bout des seins ou les fesses doivent être masqués ou mosaïqués (tout comme les armes, les cigarettes, les bouteilles d'alcool).
À l'inverse, le gouvernement semble fermer les yeux sur l'activité de centaines de milliers de prostituées dans le pays... Ignorerait-il aussi les spécialités particulières présentées dans les gogos des quartiers chauds de Bangkok ? C'est à n'y rien comprendre...
La société thaïlandaise n'est pas toujours tendre et le commerce de la vente d'armes connait une période florissante mais un téton ou une paire de fesses sont considérés par l'état comme étant bien plus nuisibles pour la jeunesse...
Souvenons-nous des années 80 en France, pendant lesquelles tous les murs de nos villes et campagnes les plus profondes étaient placardées d'affiches publicitaires pour le minitel rose... Une grande époque, l'érotisme dans la rue, à la portée de tous, un ravissement pour nos mirettes d'adolescents. Qui s'en est plaint ? Les curés et les grenouilles de bénitier ? Et alors...
Une surconsommation de pornographie développerait-elle une tendance à la criminalité sexuelle ?!? Le voyeurisme et la copulation seraient-ils plus calamiteux que les réseaux sociaux et le trafic d'armes ? L'état et la haute bourgeoisie thaïlandaise le pensent...
Le monde change, la culture évolue mais en 2020, la culture puritaine thaïlandaise semble tétanisée depuis un siècle !
L'ESSENTIEL SUR LE PURITANISME EN THAÏLANDE
L'INFLUENCE DU ROI ET DE LA NOBLESSE SUR LE PEUPLE
Sous l'influence des missionnaires et de la modernisation lancée par le roi Rama V, le gouvernement de Plaek Pibulsonggram, à partir de 1939, n'autorise plus les femmes thaïes à circuler seins nus en public. Elles doivent se soumettre à des standards précis édictés par la loi.
Jusqu'au début du XXème siècle, les femmes du nord de la Thaïlande portaient de longues jupes (pha-sin) nouées au-dessus de la taille et au-dessous de la poitrine qui était découverte.
Beaucoup de Thaïlandais savent qu'il y a moins d'un siècle, leurs grands-mères marchaient et travaillaient torses nus. Comment les puritains pourraient expliquer ce prétendu modèle de la culture thaïlandaise ? Les Thaïlandais du début du siècle étaient des gens ouverts et libérés sexuellement, la littérature de l'époque le prouve.
Le roi Rama V et son successeur eurent la mission de moderniser le Siam impliqué dans d'important bouleversements économiques et sociaux venant d'Occident. Le peuple thaï a donc été initié aux "nouvelles valeurs" par les classes royales et nobles. L'image raffinée, "civilisée" de la femme thaïlandaise ordinaire a donc été récemment construite de toutes pièces et ne reflète en aucun cas la réalité de l'époque.
LES DANSEUSES NUES DE SONGKRAN ET LE RÉCENT SCANDALE TV
Deux événements assez récents ont provoqué l'indignation de la majorité traditionaliste thaïlandaise.
Lors d'un show télé très populaire, en direct, une soi-disant artiste ôte ses vêtements, pour peindre sur une toile directement avec son corps. Le public du studio est surpris puis rapidement hilare mais jamais gêné ou choqué. Les médias eux, s'emparent de l'événement pour dénoncer cet outrage et lancer le débat. La bourgeoisie conservatrice du pays est scandalisée.
Dans le quartier de Silom à Bangkok, au Songkran, trois mineures dansent à moitié nues sur un podium. Elles sont filmées et les vidéos publiées sur les réseaux. Plus tard, arrêtées et poursuivies par la justice, elles seront condamnées à une amende et à une peine équivalente à nos travaux d'intérêt général.
Dans beaucoup d'autres pays de tels événements n'auraient pas fait la une, mais nous sommes en Thaïlande et il en faut peu pour bouleverser les traditionalistes et d'autre défenseurs auto-proclamés de la "culture thaïlandaise".
INTERVIEW DE L'ÉCRIVAINE THAÏLANDAISE KAEWMALA
L'autrice thaïlandaise "Kaewmala" qui dans son livre "sextalk", donne son avis, unique et cru sur tout ce qui concerne l'amour et le sexe en Thaïlande. Sur l'affaire de "l'outrage de Silom", elle parle avec le journaliste Saksith Saiyasombut, d'une politique hypocrite, de l'indignation du peuple et de la société thaïlandaise.
- Saksith Saiyasombut : avez-vous été étonnée du choc général après la diffusion des vidéos de ces filles topless ? Le ministre de la culture Nipit Intarasombat a beaucoup parlé de cet incident en le qualifiant d'inacceptable et néfaste à la réputation de la culture thaïe. Y a-t-il une place pour la nudité en Thaïlande ?
- Kaewmala : pas du tout, "le tollé" était entièrement prévisible, toujours ridicule et fatigant.
La place de la nudité en Thaïlande aujourd'hui ? Vous rigolez ?! Jamais entendu parlé ou peut être si... À Patpong sur Nana ou Ratchada. Les filles dans les peep-shows ne sont pas très habillées...
Plus sérieusement, je pense que M. Nipit a été un bon chien-chien en récitant l'état d'inviolabilité de Culture thaïe (avec un grand C). Sa mission officielle est "de protéger la réputation" de la culture thaïe. Or, l'incident nous en dit beaucoup sur le décalage de perception de ce que nous sommes, ce qui constitue notre culture et cette violation majeure entre les autorités et le public mais aussi au sein même de la population.
Deux comportements ont créé à eux seuls cette cacophonie dans l'opinion public : faire de ce scandale un indicateur du mauvais état de la société thaïe et la réaction du ministère qui a retiré le jour même et remplacé la bannière du site du ministère de la culture représentant une peinture traditionnelle montrant 3 filles nues.
- Cette réaction est-elle due en partie à cause de l'image colportée du pays et de ses filles "faciles" ?
- Kaewmala : Je suis enclin à penser que leur réaction était presque automatique. Chaque fois que le corps nu d'une fille thaïlandaise est exposé au public, vous pouvez être sûr que la caste de M. Nipit réagit illico et dénonce le vice, divague sur la détérioration et la destruction apocalyptique finale de Culture thaïe. La réaction du public montre clairement son manque de compréhension non seulement de la culture mais aussi tout ce qui concerne la vie contemporaine en Thaïlande.
Les autorités qui ont toujours cherché à étouffer les vérités historiques sont les uniques responsables de cette incompréhension populaire. Ce qui m'attriste vraiment est la crédulité des Thaïlandais et du gouvernement lui même qui ne se rendent pas compte que leur idée de culture thaïe est une construction récente proche de l'illusion. Le problème est que le peuple vit dans l'ignorance de sa propre histoire, candide il accepte sans broncher les propos fantasques que le pouvoir lui dicte.
- Que pensez-vous des premières affirmations comme quoi les 3 danseuses étaient de simples bargirls ou des katoeys ?
- Kaewmala : c'est un aspect très intéressant et tout à fait prévisible. Certains ont essayé de rationaliser l'incident en prétendant que les filles devaient être ou bien des femmes de petite vertu, ou des filles saoules, ou bien encore des katoeys. Or les trois danseuses étaient des étudiantes de 13, 15 et 16 ans et il s'est avéré qu'elles n'avaient consommé ni drogues ni boissons alcoolisées... Il devenait donc impossible pour les autorités de normaliser l'acte en faisant porter le chapeau à des marginaux en général méprisés et sous estimés.
- Qu'évoque tout ce brouhaha sur la maturité et la franchise de notre société ? N'y a-t-il une hypocrisie ?
- Kaewmala : nous pourrions passer des heures à discuter de la maturité thaïe en matière de sexe...
Évidemment, la sexualité est toujours un tabou en Thaïlande, avec l'absence d'éducation sexuelle à l'école et la censure omniprésente au cinéma, à la télé et sur internet. On voit bien que dans beaucoup de pays, la jeunesse est plus bien informée et ainsi sa relation à la sexualité devient beaucoup plus confortable.
Les tensions entre traditions et modernité, conservatisme et progrès ne sont pas un problème. Ce qui est plus inquiétant c'est la tendance de ces groupes au points de vue et opinions différents qui jugent et monopolisent les discussions publiques et établissent la seule et unique bonne façon de voir les choses au lieu d'ouvrir un lieu de libre débat et une possibilité de diversité culturelle.
Ma théorie est que notre peuple depuis ses origines a toujours eu un penchant très prononcé pour la violence. Le peuple thaï aime le sang et le gore. À la télé, il suffit de regarder les informations : on poignarde, on flingue à tout va, on boxe... Au cinéma, le sang coule à flots...On peut dire que cela fait partie intégrante de la culture. Cet amour thaï pour la violence n'a jamais cessé même après la période d'occidentalisation et le processus d'éducation.
- Quels sont les enseignements à tirer ? Dans quelle direction la société thaïe doit-elle évoluer ?
- Kaewmala : La société thaïlandaise doit revenir à la réalité. Travailler sur les faits, oublier les fantaisies du ministère. Comprendre que les cultures ne sont pas statiques. Une culture ne peut pas geler une partie de son histoire, nous ne sommes pas dans un conte de fées. Les cultures changent comme l'économie, comme le peuple. La culture est supposée se développer, pour le meilleur et pour le pire.
Comme nous le voyons, le gouvernement serre de plus en plus la vis à grands coups de lois et censures, sous prétexte de protéger la culture et la morale... À un moment, les Thaïs ne pourront plus supporter les mensonges, ils montrent après de tels événements qu'ils sont moins disposés à accepter la marche à suivre officielle. Nous verrons comment cette lutte naissante évoluera.
Finalement c'est juste une paire de seins ! Remettez-vous ! Il y a foison d'autres problèmes à traiter. Les gens se tuent, les crises nous brisent, l'avenir du pays n'a pas l'air enchanteur ! Ne nous laissons pas distraire par de jolies poitrines d'adolescentes !
(Source lsaiyasombut.com - Traduction rawai.fr)
LA LOI THAÏLANDAISE
Tous les partis impliqués dans cette histoire sont poursuivis, les trois filles de Silom ont été condamnées à une amende de 500 THB et la personne qui a téléchargé la vidéo est passible d'une amende draconienne de 100 000 THB et jusqu'à cinq ans d'emprisonnement !!!
Régulièrement, la police thaïlandaise arrête et emprisonne quelques pornographes occidentaux venus renouveler leurs productions auprès de jolies filles faciles et bon marché.
La loi vise à faciliter les enquêtes criminelles, particulièrement dans la criminalité Internet et d'autres délits assistés par ordinateur.
Toute personne qui télécharge ou distribue de la pornographie sera poursuivie, arrêtée et condamnée.
Les opérateurs de café Internet sont obligés d'enregistrer les noms et les numéros de carte d'identité de leurs clients.
À LA PLAGE
Comme en Inde et dans les pays musulmans, les Thaïlandais se baignent en tee shirt. Pas de quoi paniquer mesdames, vous pouvez bronzer topless sans craintes, sur la plupart des plages touristiques de Phuket, la police reste très laxiste par rapport à la loi. Pour le plus grand plaisir des jeunes thaïs qui, sur les bords des rivages, n'en perdent pas une miette. Il faut cependant noter que quelques procès verbaux furent dressés à Pattaya beach, par des policiers zélés. En Thaïlande on peut s'attendre à tout, restez donc vigilantes. Le montant de l'amende pour les personnes pratiquant le topless sur une plage s'élève à 500 THB...
N'oubliez pas que le sud de la Thaïlande compte une forte proportion de musulmans. Rappelons qu'il est fortement déconseillé de se promener en ville en maillot de bain, d'aller faire ses courses en string... Faîtes ce qu'il vous plaît à la plage mais couvrez-vous avant d'aller au seven eleven...
LA VÉRITE NUE
La censure exercée par les autorités semble ne pas apporter les résultats escomptés. Il semblerait même que ce soit la censure elle-même qui exacerbe le phénomène de réaction populaire.
L'histoire nous a pourtant prouvé à maintes reprises que la censure n'a jamais été efficace. Elle a souvent déclenché un effet inverse et des rebellions incontrôlables. De tout temps, les jeunes générations ont toujours pris un malin plaisir à transgresser les interdits. La Thaïlande ne fait pas exception à la règle.
Le ministre de la culture affirme qu'une trop grande liberté sexuelle est dangereuse pour la jeunesse, que de tels comportements nuisent gravement à la réputation du pays... Difficile de ne pas s'esclaffer en entendant de telles inepties. N'y a-t-il pas d'autres problèmes plus préoccupants et urgents à régler ? Pendant ce temps, les activités des marchands d'armes sont florissantes et les promoteurs immobiliers défigurent le Siam. Seraient-ils d'une humanité plus noble pour jouir de telles libertés et exercer en toute impunité ?